Zoo humain

Éléphant mâle dans le parc de conservation Ngorogoro, Tanzanie. Photo prise par Halina Bukowiecki

Éléphant mâle dans le parc de conservation Ngorogoro, Tanzanie. Photo prise par Halina Bukowiecki

Je suis un mammifère né en captivité. 

Et même si l’on m’ouvrait les portes de ma cage dorée, je ne suis pas certaine que je pourrais survivre très longtemps sans mes conforts quotidiens.

L’être humain s’adapte à son environnement, corps et âme, mais les effets de l’adaptation urbaine sont peut-être plus sournois sur notre corps que sur notre esprit. Dans son livre « Move your DNA », Katy Bowman relate l’histoire des orques nées en captivité qui développent un syndrome de nageoire dorsale affaissée. Quelles sont les causes du syndrome de la nageoire affaissée chez l’orque né en captivité ? Elle propose l’hypothèse que la biomécanique du mouvement reliée à la vie dans un bassin d’eau restreint n’apporte pas autant de « nutriments de mouvement » que la vie dans un vaste océan. En fait, l’orque en captivité nage beaucoup à la surface de l’eau et souvent dans la même direction. Les forces physiques de l’eau dans l’aquarium ne sont pas les mêmes que dans l’océan et donc la nageoire dorsale de l’orque d’aquarium s’affaisse n’étant pas vraiment nécessaire à sa survie. Je simplifie un peu, mais pas tellement.

Photo prise par Bryan Goff

Photo prise par Bryan Goff

Nous, humains, dans nos zoos urbains, vivons dans un confort absolu. Pas besoin de planter nos légumes, cueillir nos petits fruits ou chasser notre viande. L’eau vient directement du robinet et les nouveaux modèles nous enlèvent même la tâche fastidieuse de tourner le robinet, car il suffit de le toucher légèrement. Tout vient préparer en cuisson sous vide. Quelles sont les conséquences sur le corps humain de tout ce confort ? Avons-nous l’équivalent d’une nageoire dorsale affaissée ? Peut-être des muscles lombaires endormis par des heures sur une chaise nous causant éventuellement des maux de dos chroniques ? Avons-nous des parties de notre corps plus développées que nos ancêtres ? Peut-être des pouces super performants grâce aux textos ?

Récemment, je suis allée en Tanzanie pour un safari. Je ne pensais pas aimer ce voyage autant parce que les zoos me rendent infiniment triste. (J’écrirai sûrement plus sur ce sujet une fois que j’aurais composté un peu plus les effets de ce voyage magique.) Pendant que je prenais cette photo, notre guide, Steven, nous expliquait que cet éléphant, un mâle assez vieux, était gaucher ! Probablement, il favorise sa défense gauche pour se nourrir, alors elle est plus usée. En tant que massothérapeute, je serais curieuse de masser cet animal magnifique pour voir s’il a plus de tensions musculaires sur son côté gauche. Ça me prendrait au moins une semaine pour le masser et 3-4 bouteilles d’huile, mais ça vaudrait la peine ! 😆

Il y a quelques années, j’ai eu un client avec une torsion marquée et une douleur aiguë sur tout le côté droit de son dos. Il n’avait aucune idée d’où venait sa douleur. Il travaillait physiquement en entretien et aménagement paysagiste, mais pour lui travailler intensément c’était normal. Je lui ai demandé de me montrer le genre de travail qu’il faisait ces temps-ci. C’était la saison du nettoyage des piscines et tout de suite quand il a pris la posture de nettoyer une piscine avec un gros tuyau aspirateur (flexion et torsion), il a fait le lien avec sa douleur. Ce que je trouvais intéressant c’est alors qu’il travaillait 8-10 heures par jour dans cette position, il n’associait pas sa posture de travail avec sa douleur. Une posture, aussi inconfortable soit-elle, peut nous sembler complètement normale après un certain temps. Alors sûrement une posture confortable, même si elle est nuisible, peut rapidement devenir une norme pour notre corps.

Je dois avouer que je suis une personne qui adore (!!!) presque tous les conforts que la vie moderne peut procurer : Voiture, itrucs, cafetière à capsules, machine à laver, etc. Comment vivrais-je sans mon Vitamix ? Je deviens impatiente quand je dois retourner dans une allée d’épicerie parce que j’ai oublié quelque chose. Je m’imagine mal faire pousser tous mes légumes. Je m’imagine encore moins mâchouiller moi-même la peau de phoque pour me faire des bottes d’hiver... Je me fais à l’idée que je suis un mammifère né en captivité. Je trouve ça normal d’être assise plusieurs heures par jour sur une chaise. Ces temps-ci, le défi que je me donne afin de minimiser les effets néfastes de ma vie sédentaire, c’est de m’asseoir plus par terre, de passer un peu de temps en squat (quand je lis par exemple), de faire mes courses à pied quand je peux et de rapporter des charges plus lourdes en faisant varier l’épaule sur laquelle je les porte, ou de passer plus de temps dehors en jardinant ou en me promenant dans un parc, question de vivre un peu plus dans mon milieu « naturel ». Ce n’est pas parfait, mais comme dirait Katy Bowman, je sens que je me donne quelques « vitamines de mouvement » de plus et peut-être que je donne un peu plus de tonus à ma nageoire dorsale malgré tout. Et vous ? Êtes-vous un mammifère en captivité ou vivez-vous avec une grande variété de mouvements ? Écrivez-moi si vous avez fait des changements dans votre environnement qui ont eu un impact intéressant sur votre corps !

Éléphant mâle dans le parc de conservation Ngorogoro, Tanzanie. Photo prise par Halina Bukowiecki

Éléphant mâle dans le parc de conservation Ngorogoro, Tanzanie. Photo prise par Halina Bukowiecki

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